DÉRIVE


 

La dérive ne date pas d’aujourd’hui. Déjà Wang Xiang Zhaï, au début du XXe siècle, reprochait à ses contemporains artistes martiaux d’attacher trop d’importance à la forme et pas assez au Yi (pensée, intention).

 

Les structures qui dirigent en France les disciplines martiales de la famille du Wushu (Chine) comme le karaté, le Judo (Japon), etc... sont dans les mailles du Ministère de la Jeunesse et des Sports, qui délègue ces fédérations pour représenter le Pays, contre monnaie sonnante et trébuchante. Résultat oblige, les fédérations mènent une politique expansionniste, une stratégie commerciale pour séduire une masse de pratiquants, de spectateurs. Il faut donc rendre la pratique visible, compréhensible, spectaculaire, télévisuelle…. On cherche des niches commerciales : les enfants, les femmes, le 3e âge puis le 4e….

 

L’appellation art martial tombe en désuétude au profit de « sport de combat », de « gymnastique chinoise »... On sépare interne/externe, combat/technique, préhension/percussion, lent/rapide, philosophie/pratique (?), non-contact/light/full… On classe, on range dans des cases en continuant à afficher une tradition plusieurs fois millénaire.

 

La presse spécialisée rend compte. Édifiant. Navrant ! Le Dragon N°20 commente ainsi des photos d’une « coupe Europa Taichi » : «- en bleu et pantalon blanc untel… » ; « - guêtres blanches et en noir… untel ».

La presse spécialisée qui pour séduire et vendre, propose des reportages sur des femmes toujours très jolies. Une condition sine qua non ? L'une que l'on voit très souvent fait sa pub habillée dans un somptueux costume façon Opéra de Pékin et talons hauts.

 

Et puis encore, la presse présente celle qui fût un temps la nouvelle entraîneuse de l’équipe de France technique du Wushu (magnifique aussi). Elle fait le grand écart comme d’autre prennent le café. Change trois fois de tenues lors d’une séance photo. Jamais dans les commentaires sur sa formation elle ne fait référence à un Maître, une école, mais à des coachs. Elle affirme qu’entre « moderne » et « traditionnel » il n’y a pas de différence.

 

Si ! Il y a une différence. Essentielle. Énorme ! Le tao-lu moderne, acrobatique, esthétique, spectaculaire, chatoyant, clinquant, sert à séduire un public, des téléspectateurs, un jury dans une compétition sportive. Le tao-lu traditionnel (ancien) était un outil de transmission discret, voire secret, du savoir martial. Tout s’y trouvait, les éléments techniques, stratégiques, rythmiques, des éléments pour la santé, l’attitude mentale… Il est vrai que, le tao-lu traditionnel (actuel) tend à ressembler au tao-lu moderne. Le savoir se dilue dans le paraître.